jeudi 3 décembre 2015

Pourquoi s'offre-t-on des cadeaux à Noël ?

Pourquoi s’offre-t-on des cadeaux à Noël ?


Contrairement à ce qu’affirmait Tino Rossi, les cadeaux ne tombent pas du ciel. Mais de la Rome antique, où l’on fêtait Saturne, dieu des semailles.


noel


Au cœur de la saison la plus sombre de l’année, le solstice d’hiver est l’occasion de grandes réjouissances populaires dans la Rome antique. On y fête alors Saturne, dieu de l’agriculture et des semailles, et le retour de la lumière. Au menu de ces Saturnales : beuveries et échanges de cadeaux. Oui, déjà. On s’offre du miel, des figues, des dattes, promesses d’abondance pour l’année à venir et préfiguration, espère-t-on, de sa douceur. Une nouvelle année célébrée notamment sous l’égide de la déesse de la santé, Strenia, dont le souvenir se cache dans notre mot « étrennes » (strenae, en latin). À l’aube de notre ère, un autre culte suscite l’engouement à Rome, celui du dieu-soleil Mithra, dont la naissance est glorifiée le 25 décembre pour mieux célébrer la victoire de la lumière sur les ténèbres. Les chrétiens ne pouvaient trouver meilleure date pour fêter la naissance du Christ. Ils la détournent donc vers 330. Un choix qui leur permet de faire d’une pierre deux coups : associer l’avènement de Jésus au retour de l’astre solaire et faire au passage de l’ombre à Mithra, qui ne s’en est jamais remis.


Au milieu du XIXe siècle, dans notre vieille Europe, la coutume des étrennes bat son plein. Mais son temps est compté, car un concurrent a surgi dans les maisonnées comme dans le vocabulaire, le « cadeau de Noël », promu par un nouvel acteur paru sur la scène sociale : la bourgeoisie. « L’essor de la bourgeoisie triomphante a fait de Noël l’un des grands rassemblements annuels de la famille, déguisant peu à peu la fête religieuse en célébration profane », explique Martyne Perrot, auteur duCadeau de Noël. Histoire d’une invention (éditions Autrement).


L’essor des grands magasins


La bourgeoisie expérimente alors une nouvelle relation à la famille. L’intimité familiale comme la vie privée sont valorisées, le foyer devient la source d’un bonheur précieux et irremplaçable. « L’attachement aux enfants prend une vigueur nouvelle, leur éducation devient un souci collectif majeur », poursuit l’historienne. Noël devient une grande fête de famille où les générations se réunissent autour des plus jeunes, ces enfants dépositaires de l’avenir à qui un hommage inconscient est rendu par le truchement des cadeaux. « Noël est ainsi dissocié de la naissance de Jésus pour devenir de plus en plus la fête des enfants. » Les adultes ne sont pas en reste, ils s’offrent aussi des cadeaux. Cet échange de présents entretient, tisse ou restaure des liens entre tous les membres de la famille.


Cette nouvelle conception de la fête est portée par l’essor des grands magasins dont les vitrines, au mois de décembre, ont fortement contribué à faire naître la cérémonie des cadeaux de Noël. Le Bon Marché inaugure la première d’entre elles en 1893 : une scène de patinage au bois de Boulogne. Une autre innovation parachève la notion de cadeau de Noël : l’emballage. Le papier historié, les rubans brillants et colorés sont une invention de la fin du XIXe siècle. En ménageant la surprise, ils renforcent l’émotion.


Offrir, donc, mais pas n’importe comment. Les traités de savoir-vivre fleurissent dans les bonnes librairies. Comme le rapporte Martyne Perrot, certains sont de véritables best-sellers, comme les Usages du monde de la baronne de Staffe, publié en 1891, qui distille des conseils édifiants : « À une personne riche il faut offrir une inutilité ou, du moins, une chose dont elle puisse se passer : bronze, fleurs extrêmement rares, porcelaines anciennes, dentelles précieuses. (…) À une personne de position moyenne, un objet qui puisse à la fois lui servir et satisfaire une de ses fantaisies. À une personne pauvre, une chose utile, qui lui épargne une dépense. »


En 2015, on offre… de l’argent !


En 1900, les enfants, à côté de cadeaux plus festifs, doivent aussi accueillir des cadeaux utiles : boîtes de compas, nécessaires à ouvrage, objets de toilette. Les années 1950 marquent la vulgarisation de la psychologie de l’enfant, le jouet utile devient donc « éducatif » et « pédagogique », il est attribué en fonction de tranches d’âge. Du côté des adultes, en cette période de reconstruction, place aux machines à laver, aux machines à écrire, aux séchoirs à cheveux et autres tricoteuses.


Et en 2015 ? Selon une étude du cabinet Deloitte, 45 % des Français âgés de 18 à 64 ans souhaiteraient cette année trouver dans leurs souliers… de l’argent. À partir de 55 ans, en revanche, on aimerait recevoir des livres. Tout ficherait-il le camp, l’argent aurait-il tout contaminé ? Rassurez-vous, rien de neuf sous le soleil. En 15 après Jésus-Christ, dans Les Fastes, Ovide se plaignait déjà que ses concitoyens, pour les étrennes, trouvent plus doux de recevoir une obole que du miel.



Pourquoi s'offre-t-on des cadeaux à Noël ?

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