Comme la plupart des fins de semaine, Noxx et Lightstep se rejoignent à la station de métro Berri-UQAM dans le centre-ville de Montréal, au Canada, également repère nocturne des consommateurs et vendeurs de drogue. Cela fait quatre ans que les deux hommes patrouillent les rues de Montréal vêtus de leurs costumes de super-héros, à la recherche de gens dans le besoin.


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Noxx (gauche) et Lightstep (droite) font partie des cinq super-héros de Montréal. (Photo : Andréane Williams)

« Un soir j’ai vu un homme qui fouillait dans un sac qui ne semblait pas être le sien. J’ai réussi à récupérer le sac et à retracer le propriétaire de l’ordinateur portable qui s’y trouvait. C’est à ce moment que je me suis demandé s’il était possible de faire en sorte d’être au bon endroit au bon moment. Quand j’ai demandé à mes amis ce qu’ils pensaient de mon idée, ils m’ont dit que j’étais fou. J’ai donc décidé de demander à la rue ce qu’elle en pensait », raconte Lightstep, affublé de son masque et de sa veste pare-balles.


Environ deux fois par semaine, Lightstep et Noxx sillonnent les rues de Montréal. Ensemble, ils distribuent des seringues et des pipes à crack propres, des préservatifs, des produits d’hygiène, de la nourriture et même des vêtements chauds aux sans-abri de la ville.


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Noxx et Lightstep discutent avec un sans-abri à Montréal. (Photo : Andréane Williams)

Les sorties de bars…


Ce soir-là, alors qu’il se dirige vers la rue Saint-Laurent, connue pour ses nombreux bars et boîtes de nuit, Lightstep aperçoit un jeune étudiant ensanglanté vacillant dans sa direction. Le jeune homme a perdu un soulier et n’a pas de manteau malgré le mercure qui s’approche du point de congélation. Lightstep l’aborde et lui demande ce qui lui est arrivé. « Un groupe de garçons m’a tabassé dans une boîte de nuit. Je me suis enfui, mais ils m’ont pourchassé », raconte le jeune homme visiblement désorienté.


« Il y a beaucoup de batailles, parfois même des fusillades, à la sortie des bars. Cet été a été brutal », explique Lightstep en donnant son téléphone portable à l’étudiant et en lui offrant de le raccompagner chez lui.


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(Photo : Andréane Williams)

De Montréal à New York en passant par Seattle et San Francisco, des dizaines de citoyens ordinaires comme Lightstep ont décidé d’adhérer au phénomène des « Real-Life Superheroes », lequel a pris naissance aux États-Unis il y a plus d’une dizaine d’années.


Chris Pollak, alias Dark Guardian, est l’un des super-héros de New York les plus connus. Protégé par une veste pare-balles rouge sur laquelle sont apposées ses initiales de super-héros « DG » et armé d’une lampe de poche, le spécialiste d’arts martiaux traque les vendeurs de drogues du quartier de Harlem à New York depuis 13 ans.


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Dark Guardian et Spector enregistrent une vidéo à l’endroit où un policier s’est fait tuer la semaine précédente, destinée à leurs réseaux sociaux, afin d’inciter les gens à s’impliquer au sein de leur quartier et communauté. (Photo : Andréane Williams)

En aide à la police


« On fait des patrouilles de sécurité. On s’interpose lorsqu’il y a des batailles entre les gangs de rue, on désamorce les conflits. Par notre présence, on fait savoir aux gens que quelqu’un surveille parce qu’il y a un tas de choses qui se passent à ciel ouvert. C’est choquant », explique l’homme de 31 ans.


Une fois par semaine, il fait sa ronde avec son acolyte Simon, alias Spector, un responsable informatique et père de famille originaire de Londres en Angleterre. « Je voulais faire partie de l’évolution de cette ville. Au début, je nettoyais des parcs pour enfants. Rien de très glamour. Nous faisons de la prévention contre le crime, entrons en contact avec les sans-abri. Nous avons même aidé la police à retrouver et arrêter un prédateur sexuel qui avait fait plusieurs victimes à Brooklyn », raconte Spector.


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Chris Pollak, alias Dark Guardian, patrouille les rues de Harlem depuis 13 ans. (Photo : Andréane Williams)

Combattre le crime n’est cependant pas sans risques. En s’attaquant aux vendeurs de drogues et aux proxénètes, Dark Guardian avoue avoir mis sa vie en danger à plus d’une reprise. « Un jour, je me suis fait entourer par une quinzaine de vendeurs de drogue qui m’ont menacé avec leur revolver », raconte-t-il.


« Les meurtres sont en hausse »


Dans la pénombre du Harlem River Park, les deux super-héros observent des vendeurs de drogue qui attendent patiemment leurs clients au loin. La tournée des deux super-héros tire à sa fin. La nuit a été calme, probablement dû à la présence accrue des policiers depuis le meurtre, la semaine précédente, d’un policier dans le quartier. « Je remarque que la situation sécuritaire s’est détériorée ces dernières années. Les meurtres sont en hausse et les policiers plus réticents à intervenir depuis les évènements de Ferguson par exemple, déplore Chris Pollak. Je fais cela pour inspirer les gens. On a besoin de modèles positifs qui ne sont pas des célébrités. Des gens qui font le bien dans la vraie vie. »


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Dark Guardian et Spector près du Harlem River Park, lieu fréquenté par plusieurs proxénètes et vendeurs de drogue d’Harlem. (Photo : Andréane Williams)